Journaliste indépendant, spécialiste d'économie et d'écologie.
Dopée depuis près de cinq ans par le boom du pétrole de schiste, la production américaine d'or noir frôle de plus en plus le record établi lors du pic historique de production de 1970. Le rythme de croissance de la production marque cependant nettement le pas, souligne l'agence Reuters, estimant qu'un tel ralentissement pourrait annoncer l'approche d'un plateau. La résilience du boom du pétrole de schiste face à la chute des cours du baril concentre beaucoup d'attention : sans ce "shale oil", qui constitue la plus prometteuse des nouvelles sources de pétroles non-conventionnels, la croissance de la production mondiale d'or noir nécessaire jusqu'ici à la croissance de l'économie mondiale serait stoppée
Washington annonce un recul des extractions aux Etats-Unis pour la première fois depuis la baisse des prix du brut. Les majors encaissent un spectaculaire repli de leurs découvertes. Et l'Arabie Saoudite révèle une très forte accélération du rythme de forage dans ses champs existants. On l'attendait, mais peut-être pas si vite. La production américaine de pétrole marque un important repli en rythme hebdomadaire et mensuel, selon les chiffres rendus publics cette semaine par Washington. Ce sont les premières baisses des extractions enregistrées depuis l'effondrement des cours du baril.
Il y a des courses de fond. Celle-ci est une course vers le fond. Les cours du baril dégringolent à 50 dollars cette semaine, du jamais vu depuis le lendemain de la crise de 2008. Aussi vertigineuse qu'inattendue, la chute du prix de l'or noir atteint désormais 55 % depuis le début du mois de juin. Est-ce la preuve d'un retour durable à l'abondance pétrolière ? Pas si vite. Conséquence à la fois du boom du pétrole "de schiste" aux Etats-Unis et de la fragilité de la croissance économique mondiale, ce contre-choc pétrolier est en passe de mettre à nu bien des rois du pétrole. D'ouest en est et du nord au sud, tous les producteurs pétroliers du monde, grands et petits, pompent aujourd'hui le brut à tombeau ouvert afin de sauvegarder un tant soit peu leurs chiffres d'affaires, en espérant que le concurrent d'à côté calanchera le premier.
L'Arabie Saoudite est bien engagée dans une guerre des prix contre le pétrole "de schiste" américain, a affirmé le ministre du pétrole saoudien durant la réunion à huis-clos de l'Opep jeudi 27 novembre à Vienne, révèle l'agence Reuters. Riyad s'est opposée à toute réduction de la production lors de cette réunion, au grand dam du Venezuela, de l'Iran et de plusieurs autres membres du cartel des pays exportateurs dont les budgets sont sapés par la glissade des cours du baril. Cette glissade s'est amplifiée de façon spectaculaire vendredi, le baril de Brent cotant aux alentours de 70 dollars en fin de la journée, après avoir perdu 10 dollars en moins d'une semaine.
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévient dans son dernier rapport annuel : la planète pétrole est en passe d'entrer dans une zone à très haut risque, en dépit de ce que pourrait laisser croire la chute actuelle des cours de l'or noir. Conséquence de la révolution du pétrole "de schiste" aux Etats-Unis et du ralentissement de la croissance mondiale, la baisse spectaculaire des prix du baril menace de tarir les investissements indispensables pour repousser le spectre du pic pétrolier, confirme l'AIE.
La hausse rapide de la production de brut aux Etats-Unis, le fléchissement de la croissance en Europe et en Chine, l'absence d'interruptions des exportations d'or noir redoutées en Irak se sont conjugués pour engendrer la chute de plus de 25 % des cours du baril depuis le mois de juin. Une chute renforcée début octobre par la décision de l'Arabie Saoudite d'abaisser à son tour ses prix pour défendre ses parts de marché, plutôt que de réduire sa production. Une descente jusqu'à 70 dollars est désormais envisagée par Goldman Sachs, tandis que les cours se stabilisent ces jours-ci un peu au-dessus de 80 dollars, contre 115 dollars à la mi-juin. Il s'agit du plus bas niveau de prix depuis octobre 2010, au lendemain du trou d'air consécutif au choc des subprimes. Entrons-nous dans un nouveau contre-choc pétrolier (du nom de la période économique des années 80 au cours de laquelle les cours du baril sont restés longtemps au plus bas, suite à la récession provoquée le second choc pétrolier en 1979) ?
500 milliards de dollars d'investissements en jeu. Le géant pétrolier américain ExxonMobil s'apprête à démarrer une campagne de forage dans les eaux territoriales russes de l'océan Arctique, en dépit des sanctions économiques visant la Russie, décidées par le gouvernement américain et l'Union européenne en réaction à la crise en Ukraine. Des sanctions restreintes, qui ne semblent guère devoir affecter les intérêts mutuels des industriels occidentaux et de Moscou.
En dehors des nouveaux pétroles extrêmes et "non-conventionnels" d'Amérique du Nord (pétrole de schiste aux Etats-Unis et sables bitumineux au Canada), le reste des extractions mondiales a enregistré en 2013 un repli de 1,5 %, que ne suffisent à expliquer ni les sanctions contre l'Iran, ni la crise libyenne. Partout sauf en Arabie Saoudite, les vannes sont restées ouvertes à fond. Le Brésil voit sa production de brut reculer pour la troisième année consécutive, malgré le développement de ses champs offshore ultra-profonds. L'Angola menace de rejoindre une longue liste de producteurs majeurs confrontés aux limites de leurs réserves d'or noir.